Le 9 juillet 2022, Moussa Sylla, salarié de la société Europ Net, principal sous- traitant de l’Assemblée nationale pour le nettoyage de ses locaux, était victime d’un accident du travail mortel dans les sous sols du Palais Bourbon. L’auto-laveuse qu’il conduisait s’était emballée en raison de son usage sur une pente bien supérieure à celle qu’autorisait sa machine.
À la suite de ce drame, la solidarité s’est immédiatement organisée à la fois pour soutenir la famille, mais aussi pour que l’entreprise soit traduite en justice.
LA JUSTICE CONDAMNE EUROP NET ET SES DEUX DIRIGEANTS
Après une première audience pénale le 25 octobre 2024, la 31ème Chambre du Tribunal judiciaire de Paris a reconnu, ce 24 janvier, la société Europ Net coupable d’homicide involontaire.
L’entreprise et ses deux dirigeants ont été également condamnés pour deux infractions relevées au Code du travail concernant les obligations de formation et la mise à disposition d’un matériel adapté (voir le communiqué du collectif parisien du nettoyage ci-après pour plus d’informations).
Cette décision de justice est une victoire importante pour la famille : non, Moussa Sylla n’a pas été négligent ce jour-là ! C’est bien une succession de fautes inexcusables de son employeur qui a causé sa mort.
C’est aussi une victoire importante dans la lutte pour protéger les travailleurs que mène inlassablement la CGT. Dans leur course aux profits, de trop nombreux employeurs font preuve a minima de négligence. Rien qu’en 2024, 157 morts au travail ont été recensés par le ministère du Travail ! Chaque condamnation contribue à placer l’ensemble des employeurs devant leurs responsabilités.
L’EXEMPLARITÉ N’EST TOUJOURS PAS AU RENDEZ-VOUS
Malgré une procédure judiciaire en cours pour homicide involontaire, l’Assemblée a non seulement reconduit le marché d’Europ Net pour le nettoyage du Palais Bourbon, mais elle lui a en outre confié celui de bâtiments supplémentaires.
Lors de la reprise du personnel des entreprises précédemment sous-traitantes de l’Assemblée nationale, les syndicats SPAN-CGT et CGT-CP, en lien étroit avec l’Union département de la CGT à Paris, ont dû intervenir à plusieurs reprises auprès d’Europ Net en raison d’irrégularités dans les contrats –heureusement corrigées depuis.
Outre des mesquineries concernant le modeste régime indemnitaire des salariés, la société leur a imposé la signature d’une fiche de suivi de formation à la sécurité qui n’avait pourtant pas encore été effectuée !
De surcroît, 3 salariés n’ont pas été repris, ce qui engendre aujourd’hui des difficultés en termes de charge de travail pour le reste des équipes et dégrade la qualité des prestations qu’il leur est humainement possible de rendre.
L’ASSEMBLÉE DOIT EN TIRER LES CONSÉQUENCES
Reste une question lancinante : comment l’Assemblée a-t-elle pu attribuer des marchés à Europ Net après la mort de l’un de ses salariés, Moussa Sylla, dans ses propres locaux ?
Il est urgent, a minima, de revoir les critères de notation permettant de sélectionner les candidats aux marchés de nettoyage : si le prix de la prestation se fait au détriment de la sécurité des salariés, l’Assemblée doit pouvoir les exclure !
Une clause de résiliation du marché pour manquement grave à la sécurité du personnel devrait également être systématiquement intégrée aux marchés publics passés par l’Assemblée.
Aussi, l’Assemblée nationale doit tirer les conséquences de la décision de justice non seulement en réinterrogeant sa relation contractuelle avec Europ Net, mais aussi en révisant sa politique de responsabilité sociale et environnementale (RSE) de manière plus générale.
Tout cela conforte en définitive la revendication historique des syndicats CGT de l’Assemblée nationale de réinternaliser les prestations de nettoyage, non seulement parce qu’il s’agit de missions permanentes, mais aussi, parce qu’il en va de la sécurité du personnel.